En aparté...

Surpris par la nuit
Par Alain Veinstein - France Culture

L'Hostie profanée : histoire d'une fiction théologique
17.12.2007

Tout part de la célèbre prédelle de Paolo Uccello, Le Miracle de l’hostie (circa 1467) où l’on voit une hostie consacrée saigner à la suite du sacrilège qu’a commis sur elle un usurier juif à qui elle a été remise pour solder une dette. Jean Louis Schefer s’est interrogé sur la signification de cette représentation, ses origines, ses implications, sa postérité (jusqu’au mythe de Dracula, par exemple !). Elles mettent en cause la théologie, le rituel catholique à travers les sacrements, la monnaie (puisque l’agneau, par exemple a longtemps figuré sur les pièces frappées au Moyen-Âge et que la théorie monétaire du Moyen-Âge apparaît inséparable de l’évolution du signe sacré). Elles interrogent la fondation et la gestion morale des images dans notre culture. Elles démontent les mécanismes par lesquels s’est instauré le dogme de l’incarnation, de la transsubstantiation et aussi les stratégies d’accréditation qui s’en sont suivies (les miracles, les légendes).

« Le problème, on le verra, n’est pas tout à fait la question juive mais le théâtre eucharistique dans lequel les juifs médiévaux sont enrôlés pour une illustration doctrinale. Je ne me prononce que peu sur les causes et les conséquences des menées antijuives de ce Moyen Âge théologique : ce n’est pas mon sujet ; j’en traite dans la mesure où le théâtre de démonstration de la réalité eucharistique impute aux juifs plutôt qu’aux chrétiens dissidents ou hétérodoxes le rôle perpétuel de déicides à travers des attentats au sacrement. C’est à la forme rituelle que je me suis attaché, par conséquent à l’histoire du rituel et à celle du sacrement : dans la question de savoir pourquoi et quand, de symbolique qu’il était selon la tradition apostolique, le sacrement a dû devenir réel, en bref produire des effets de réalité actuelle dûment constatés : cela s’appelle miracle. Mais il faut au miracle une cause et une occasion : il y faut donc un opérateur ou un officiant. C’est, à quelque chose près, cette histoire qu’on va lire. »

Invité :
Jean Louis Schefer, écrivain, historien, critique d’art et philosophe.